Des contrats irréguliers pour des gardiens d’école

Pays : MALI
Institution : Médiateur de la République du Mali
Domaine d’intervention : Administration de la justice et des tribunaux

Explication du problème

Entre 1992 et 2003, la Fédération Primaire de l’Association des Parents d’Elèves de Ségou a recruté, sans contrat écrit, et mis à la disposition de l’Académie d’Enseignement de Ségou des gardiens d’écoles. Les gardiens, qui percevaient un salaire mensuel de 20 000 F CFA, n’étaient pas inscrits à l’INPS et ne bénéficiaient pas de congé annuel. Regroupés en collectif, ils ont alors assigné, aux fins de régularisation de leur situation administrative, l’Académie d’Enseignement et la Fédération Primaire de Ségou devant le Tribunal du Travail, qui a condamné, par jugement N°23 du 05 Avril 2006, ces deux organismes à établir un contrat individuel de travail, à ajuster les salaires au taux du SMIG, à payer les différentiels de salaires des trois dernières années et à inscrire les gardiens à l’INPS. Au cours de la procédure judiciaire, trois des gardiens se sont retirés du groupe, trois sont morts et deux ont été licenciés. En Avril 2008, un quatrième gardien est décédé. Confrontés à des difficultés d’exécution du jugement susvisé, les gardiens survivants ont sollicité le concours du Médiateur de la République pour obtenir l’exécution de la décision judiciaire.

Intervention

À l’analyse des réclamations concernant l’exécution des décisions de justice, les obstacles identifiés à leur application étaient principalement :

– le manque de ressources financières, l’insuffisance ou l’absence de crédits nécessaires au paiement des sommes résultant des condamnations prononcées ;

– l’absence de règles précises d’imputation du montant des dépenses ;

– la négligence ou la mauvaise foi des agents chargés de l’exécution de la décision ;

– le refus de mise à disposition de la force publique par manque de moyens ;

– l’absence de règles prévues pour l’exécution par l’Administration des décisions de justice rendues par des juridictions de l’ordre judiciaire ;

– les difficultés d’interprétation de la décision à appliquer.

Le refus d’exécuter une décision de justice ou un engagement contractuel par l’État constitue une violation de la légalité et une menace à l’État de droit. A ce titre, il peut donner lieu à un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif et est également susceptible d’engager la responsabilité civile de la collectivité publique ou de l’agent public défaillant, en particulier lorsque cette situation a causé un préjudice au bénéficiaire de la condamnation.

Résultats et suivi

Ces procédures ne seront pas d’office mises en œuvre. L’initiative de l’exécution de la décision de justice appartient à l’Administration condamnée au paiement. Le justiciable, assisté de son conseil, doit suivre la procédure s’il veut éviter l’inertie ou la carence de l’autorité administrative qui n’emploiera pas nécessairement de la bonne foi dans cette procédure. À la vérité, très peu de citoyens en conflit avec les services publics connaissent ces procédures. Ainsi, nombre de décisions de justice contre l’Administration ne reçoivent-elles pas exécution.

Au regard de ces constats, afin de favoriser l’application des décisions de justice contre l’Administration, le Médiateur de la République recommande :

1°) L’adoption d’une lettre circulaire du Premier Ministre rappelant l’obligation de respect des décisions de justice rendues contre l’État et invitant les Ministres à veiller à l’application des procédures spéciales d’exécution des décisions rendues par les Tribunaux administratifs et la Section administrative de la Cour Suprême ;

2°) Et en ce qui concerne les condamnations pécuniaires prononcées contre l’État, la définition par le Ministre en charge des Finances de règles précises d’imputation budgétaire des dépenses liées à l’exécution des condamnations pécuniaires prononcées contre l’État ;

3°) L’adoption par le Ministre chargé de la Justice et le Ministre chargé de la Sécurité d’instructions interministérielles adressées aux autorités judiciaires, de police et de gendarmerie, ainsi qu’aux auxiliaires de justice chargés de l’exécution des décisions de justice pour clarifier leurs missions et pouvoirs tendant à assurer le concours de la force publique à l’exécution des décisions de justice ;

4°) L’adoption d’une Loi relative à l’exécution des décisions de justice rendues par les juridictions de l’ordre judiciaire contre l’État, les Collectivités territoriales et les Établissements publics, afin de remédier aux insuffisances du dispositif juridique actuel d’exécution des jugements et arrêts

5°) Enfin plus de clarté dans la formulation des décisions de justice afin d’éviter les recours en interprétation ou les difficultés d’application.