Être en situation irrégulière ne doit pas empêcher de pouvoir se marier avec un citoyen en règle
Pays : LUXEMBOURG
Institution : Médiateur du Grand-Duché
Domaine d’intervention : Droits et services relatifs aux nouveaux arrivants (immigration)
Explication du problème
Le Médiateur a été saisi d’une réclamation par le ressortissant d’un État tiers qui s’était vu refuser l’octroi de la protection internationale au Luxembourg et qui se trouvait en situation irrégulière sur notre territoire. Ayant noué une relation amoureuse avec une dame de nationalité française résidant au Grand-Duché, le requérant s’est présenté avec sa compagne à l’administration communale de leur lieu de résidence afin de s’enquérir sur les démarches à effectuer en vue d’un mariage. Les demandeurs auraient été informés de l’impossibilité de célébrer ce mariage en raison de la situation irrégulière du réclamant.
Intervention
Le Médiateur est intervenu dans cette affaire en argumentant qu’un refus de principe de procéder au mariage de deux personnes alors qu’une d’entre elles est un ressortissant d’un pays tiers se trouvant en séjour irrégulier au Luxembourg, n’est pas conforme au niveau de protection minimum tel que garanti par la Convention européenne des droits de l’homme. Une telle interdiction de principe est en effet contraire à l’article 12 de Convention européenne des droits de l’homme qui consacre le droit au mariage. Suivant la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, les limitations imposées au droit d’un homme et d’une femme de se marier et de fonder une famille ne doivent pas restreindre ou réduire le droit en cause d’une manière ou à un degré qui l’atteindraient dans sa substance même.
En l’espèce cependant l’Administration communale expliquait que le refus opposé par l’officier d’état civil était lié au fait qu’il n’avait pas pu être procédé à la publication des bans et alors qu’il était impossible de vérifier son adresse du moment. La procédure de demande de protection internationale du réclamant étant close, le réclamant n’était plus en possession d’une attestation de dépôt de demande de protection internationale qui, selon l’article 6 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, tient lieu de certificat de résidence pour les formalités requises en vue de la célébration du mariage.
Le Médiateur est d’avis que le Bourgmestre a procédé ainsi à une interprétation erronée des dispositions du Code civil relatives au mariage et notamment de la notion de résidence. La notion de résidence est une question de fait de sorte qu’elle devrait pouvoir être démontrée par tout moyen de preuve.
La question qui se dégage de la réclamation soumise au Médiateur est de savoir quels documents doivent être présentés à l’officier d’état civil par le ressortissant d’un Etat tiers qui se trouve en séjour irrégulier sur notre territoire (peu importe qu’il soit demandeur d’asile débouté ou sans-papiers) et qui souhaite se marier avec un ressortissant luxembourgeois ou communautaire qui réside au Luxembourg.
Le Ministre de la Justice estime que les futurs mariés doivent remplir les conditions telles que prévues par le Code civil et produire non seulement les pièces expressément prévues par le Code civil mais également celles permettant de vérifier que les conditions fixées par le Code civil sont remplies. Etant donné que le Code civil ne fait pas de l’existence d’un titre de séjour une condition du mariage, le séjour illégal sur le territoire ne constitue pas en tant que tel un motif valable pour refuser la célébration du mariage au Grand-Duché. Ceci dit, il estime que tel qu’il est prévu aux articles 63 et 166 à 168 du Code civil, l’officier de l’état civil doit contrôler le domicile ou la résidence des futurs époux en vue de la publication des bans. La preuve de la résidence au Grand-Duché devrait ainsi être rapportée par une pièce officielle délivrée par une autorité administrative.
Le Médiateur est d’avis que la production par exemple d’un certificat d’affiliation volontaire à la Sécurité sociale devrait suffire alors qu’elle est délivrée par une autorité administrative et qu’elle renseigne le lieu de résidence de la personne concernée.
Ainsi le Médiateur a recommandé que le mode de preuve de la résidence exigé en vue de la publication des bans soit clarifié, le cas échéant, par la voie législative.