Une pension non cumulable avec un revenu de travailleur indépendant
Pays : BELGIQUE
Institution : Médiateur pour les Pensions
Domaine d’intervention : Pensions de vieillesse ou de retraite
Explication du problème
Titulaire d’une pension de retraite mixte (travailleur salarié et travailleur indépendant) depuis 1993, Monsieur Charpentier a reçu courant 2002 des décisions par lesquelles sa pension était suspendue en raison d’un cumul non autorisé avec un revenu professionnel de travailleur indépendant.
Selon la décision de l’INASTI, datée du 8 avril 2002, la pension de travailleur indépendant n’était pas payable du 1er janvier au 31 mars 1998. En vertu du décompte établi par l’ONP le 24 mai 2002, l’intéressé était redevable d’une somme de 596,79 euros à titre de pension dans le régime des travailleurs indépendants. Selon la décision de l’ONP, datée du 18 septembre 2002 et qui faisait suite à celle de l’Institut, la dette à rembourser en régime salarié s’élevait à 1.188,85 euros.
Monsieur Charpentier a contesté cette dernière décision devant le Tribunal du Travail. Toutefois, il n’a pas introduit de recours contre l’INASTI pour la décision antérieure. Le juge s’est uniquement prononcé sur le recours vis-à-vis de l’ONP.
Le jugement du 3 novembre 2004 a déclaré la plainte recevable et fondée. L’ONP a été condamné à rembourser toutes les sommes retenues sur la base de la décision du 18 septembre 2002. L’Office n’a pas interjeté appel du jugement.
Entre-temps, Monsieur Charpentier avait obtenu par décision du Conseil pour le paiement des prestations de l’ONP la renonciation à la récupération du solde de la dette, soit à une somme globale de 830,72 euros.
Dans le régime salarié, le solde encore à rembourser était de 710,29 euros et dans le régime indépendant de 120,43 euros. Les sommes déjà récupérées par l’ONP s’élevaient donc respectivement à 478,56 euros et 476,36 euros.
Lors de l’exécution du jugement précité, en janvier 2005, les services de paiement de l’Office ont remboursé la somme retenue sur la pension de travailleur salarié. Par contre, la somme retenue sur la pension de travailleur indépendant n’a pas été restituée.
Monsieur Charpentier s’est naturellement étonné de cette différence de traitement et a interrogé les deux services de pension à ce sujet.
Les réponses reçues pouvaient se résumer comme suit. Du côté de l’ONP, les services exécutaient tel quel le jugement du tribunal, mais ne pouvaient pas aller au-delà sans une décision de l’INASTI. Du côté de l’Institut, on confirmait la décision antérieure et on opposait le fait que le service n’avait pas été appelé à la cause, ni a fortiori condamné par le jugement, qui ne concernait en droit que le seul ONP.
Devant cette situation bloquée, l’intéressé a fait appel à notre médiation.
Intervention
La décision à laquelle se trouve confronté Monsieur Charpentier est juridiquement inattaquable, toutefois elle peut heurter le sentiment d’équité.
Tout d’abord, il ne modifiait pas son point de vue par rapport au jugement rendu par le Tribunal du Travail. N’ayant pas été mis à la cause dans cette affaire, l’INASTI continuait d’estimer que ce jugement ne lui était pas opposable. En conséquence, sa décision de suspension de la pension de retraite de travailleur indépendant pour la période du 1er janvier au 31 mars 1998 était maintenue.
En revanche, en ce qui concerne la récupération des sommes perçues indûment pour la période en question, l’INASTI considérait que lors de la rectification fiscale intervenue en 2000 sur les revenus imposables de 1998, l’intéressé ne pouvait pas en connaître l’incidence sur sa pension. Dès lors, on ne pouvait pas lui reprocher de ne pas avoir informé à l’époque l’Institut de cette nouvelle situation.
En conséquence, l’INASTI estimait que le délai de prescription de 5 ans qui avait été proposé en 2002 à l’ONP pour la récupération des sommes indues pouvait être ramené au délai ordinaire de 6 mois.
Notre intervention a permis qu’il soit procédé à un réexamen attentif des divers éléments du dossier. En juin 2006, l’INASTI nous communiquait les conclusions de cet examen. Concrètement, cela signifiait que les sommes indûment perçues en vertu de la décision de l’Institut du 8 avril 2002 n’étaient plus récupérables.
Résultats et suivi
Ce nouveau délai de prescription ayant été communiqué aux services de paiement de l’ONP, ceux-ci ont procédé, courant septembre 2006, à la régularisation de la situation de Monsieur Charpentier. La somme de 476,36 euros lui a été immédiatement reversée.
Un tel dossier est intéressant à un triple point de vue.
Primo, les activités non autorisées entraînent la notification de dettes qui, en cas de carrière mixte, font l’objet de communications à des dates différentes. De plus, les exécutions des révisions peuvent également avoir lieu à d’autres dates. Comment s’étonner, dans une telle situation, que les personnes concernées ne sachent pas exactement contre quel(s) organisme(s) et contre quelle(s) décision(s) ils doivent agir au Tribunal, s’ils contestent le sort qui leur est fait ?
En introduisant un recours contre l’ONP, Monsieur Charpentier était convaincu du fait qu’il était également valable contre l’INASTI, puisque l’Office est l’organisme payeur des deux pensions, celle de travailleur salarié et celle de travailleur indépendant.
Dans le cas d’espèce, il demeure incontestable que l’INASTI n’était pas tenu par un jugement qui était rendu uniquement contre l’ONP. Cette inopposabilité découle du principe fondamental d’autorité de la chose jugée.
La mission du Médiateur a consisté, ici, à envisager le problème sous un autre angle d’attaque, afin d’arriver à une solution équitable.
Elle a été trouvée via une analyse approfondie des dossiers et une discussion patiemment construite avec les deux services concernés.
Secundo, compte tenu du fait que l’ONP paie tant les pensions des travailleurs salariés que celles des travailleurs indépendants, nous avons vu qu’il peut être difficile pour le pensionné, le cas échéant, d’identifier qu’il doit non seulement ester en justice contre l’ONP, mais également contre l’INASTI. Dans le camp des services de pensions, l’information n’est pas mieux diffusée. Il arrive qu’un service ne soit pas au courant du recours introduit contre une décision de l’autre service. Pourtant, un tel recours peut éventuellement impliquer un acte administratif posé par l’autre institution. Cet écueil pourrait être aisément évité par une meilleure concertation entre les services juridiques des organismes concernés ou par la mise en place d’un mécanisme qui obligerait les services de pensions à s’informer mutuellement des litiges pendants susceptibles d’impliquer un ou plusieurs autres régimes.
Tertio, ce dossier met une fois encore en évidence l’importance du choix, par les services de pensions, du délai de prescription à appliquer. Dans le cas présent, à quelques années d’intervalle, l’examen de ce point par le service compétent aboutit, une première fois, à l’application du délai d’exception (5 ans à l’époque) et ensuite, à l’application (justifiée) du délai habituel de 6 mois.
Nous n’ignorons pas que l’appréciation d’une « bonne foi » est un exercice particulièrement délicat et que le choix de l’option n’est pas une science exacte. Raison de plus, dirons-nous, pour que la décision soit la plus objective possible, c’est-à-dire qu’elle « colle » au maximum avec les faits recensés au dossier.
Pour notre part, nous voyons une ébauche d’amélioration possible via l’établissement, en concertation avec les services de pensions, d’une liste de critères qui pourraient être utilisés systématiquement pour arriver à une évaluation la plus uniforme possible des délais de prescription à appliquer. Cette discussion pourrait aussi servir à définir plus rigoureusement la notion, encore trop souvent floue, de l’erreur administrative et de ses conséquences pratiques.
A ce titre, il importe de souligner que ce sont les services de l’INASTI eux-mêmes qui ont invité l’intéressé à s’adresser au Médiateur
Le Collège des médiateurs pour les Pensions suivrons attentivement les suggestions faites au services des pensions comme décrites ci-avant.