Difficulté à calculer un régime de retraite à la fois salarié et indépendant
Pays : BELGIQUE
Institution : Médiateur pour les Pensions
Domaine d’intervention : Pensions de vieillesse ou de retraite
Explication du problème
Madame Alibert a pris sa pension dans les régimes salarié et indépendant le 1er janvier 2001, à l’âge de 66 ans. Pour son activité comme salariée pendant 12 ans, elle perçoit un montant de 215,03 euros par mois ; pour son activité d’indépendante pendant 20 ans, elle perçoit un montant de 425,62 euros par mois.
Après la prise de cours de sa pension, elle poursuit une activité comme indépendante. En 2001 et 2002, ses revenus ne dépassent pas la limite autorisée. Par contre, pour la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004, ses revenus sont trop élevés. Après enquête, l’INASTI l’informe, en juin 2007, de la suspension du paiement de sa pension pour 2003 et 2004.
Fin 2007, Madame Alibert régularise ses cotisations d’indépendante auprès de sa caisse d’assurances sociales puisque, du fait de la récupération de sa pension, elle n’est plus considérée comme pensionnée et que par suite, elle ne bénéficie plus de la réduction de cotisations appliquée aux pensionnés. Elle pense pouvoir ainsi faire ajouter deux années de prestations supplémentaires (2003 et 2004) à sa carrière d’indépendante.
L’INASTI refuse toutefois de revoir le calcul de sa pension et d’y inclure ces périodes.
Pour les pensions qui ont pris cours effectivement et pour la première fois avant le 1er juillet 1997 et au plus tôt le 1er janvier 1984, la réglementation stipulait que chaque période pendant laquelle la pension n’était pas payée et pendant laquelle l’intéressé(e) exerçait une activité comme indépendant(e) en payant les cotisations complètes pouvait être prise en compte pour le calcul de la pension.
Par année de prise de cours effective de la pension, il fallait entendre l’année au cours de laquelle la pension avait été mise en paiement. Cette notion englobait tant la première mise en paiement de la pension que toute nouvelle remise en paiement intervenant après une extinction temporaire de ce paiement.
Cette interprétation était basée sur les principes d’harmonisation, de justice et de liaison entre les articles 124 et 134 de la loi du 15 mai 1984, qui avaient entre autres pour objectif d’aligner les dispositions relatives au calcul de la pension de travailleur indépendant sur celles de travailleur salarié.
Il en résultait que le travailleur indépendant dont la pension avait déjà été mise en paiement et qui avait cotisé à taux plein après l’âge normal de la pension, pouvait faire appel à ces années, soit pour compléter sa carrière, soit pour remplacer des années moins favorables, à condition que pour les années concernées, il n’eût pas bénéficié de sa pension.
Cette législation a toutefois été modifiée à deux reprises, en 1997 et en 2006. La modification instaurée en 1997 interdisait la prise en compte de périodes d’activité professionnelle après la première mise en paiement de la pension tandis que la modification adoptée en 2006 a prévu à nouveau cette possibilité (moyennant d’autres conditions).
La révision d’office des dossiers de pension concernés a été une première fois supprimée par la modification de l’article 4, § 3 de l’arrêté royal du 30 janvier 1997, qui eut lieu en application de la loi du 26 juillet 2006.
En effet, cette disposition stipulait que la fraction de carrière des pensions qui prenaient cours effectivement [c’est-à-dire qui était mises en paiement] et pour la première fois au plus tôt le 1er juillet 1997 était définitivement fixée.
Cependant, à la fin de l’année 2006, une modification législative réintroduit une possibilité de revoir la fraction de carrière après la prise de cours de la pension.
La loi-programme du 27 décembre 2006 supprime, en effet, dans l’arrêté précité les mots «effectivement et pour la première fois». Dès lors, les pensions qui prennent cours à partir du 1er janvier 2007 peuvent à nouveau être revues en ajoutant dans la carrière les périodes qui se situent après la date de prise de cours et pour lesquelles les cotisations sociales pleines ont été payées.
Ces deux changements de loi, à quelques années d’intervalle, ont pour effet pervers que les périodes prestées après la prise de cours de la pension ne sont pas admissibles pour le calcul des seules pensions qui ont pris cours entre le 1er juillet 1997 et le 31 décembre 2006. Tous les pensionnés ne se trouvent pas sur un pied d’égalité.
Sur ce point, précisément, un arrêt de la Cour Constitutionnelle considère que l’ancienne rédaction de l’article 4, § 3, 1er alinéa de l’arrêté royal du 30 janvier 1997 était clairement discriminatoire en tant qu’elle interdisait la prise en compte des périodes de cotisation situées après la date à laquelle la pension a pris cours effectivement et pour la première fois.
La Cour a estimé que les pensionnés dont la pension a pris cours entre le 1er juillet 1997 et le 31 décembre 2006 devaient également obtenir une pension pour leurs activités, couvertes par des cotisations pleines, situées après la prise de cours de la pension.
L’exécution de cet arrêt s’est toutefois heurtée à des difficultés techniques.
En réponse à une question parlementaire, l’INASTI a admis qu’il n’était pas en mesure de détecter tous les cas où il n’avait pas été procédé à la révision de la pension, bien que l’intéressé ait exercé une activité comme indépendant et qu’il ait payé les cotisations complètes.
Intervention
Suite à notre intervention, l’INASTI a entamé cet examen d’office.
La Caisse d’assurances sociales de Madame Poortman a confirmé que des cotisations complètes avaient bien été payées pour l’année 1995. Celle-ci pouvait donc être reprise dans le calcul de la pension de travailleur indépendant de l’intéressée.
La nouvelle décision, octroyant une année de pension supplémentaire et portant la fraction de carrière dans le régime indépendant à 18,25/45èmes, a été prise le 22 décembre 2010. Le montant payable en pension de retraite de travailleur indépendant est passé de 207,57 à 228,19 euros par mois.
Pour pallier l’obstacle d’ordre pratique l’empêchant de détecter tous les cas où il n’a pas été procédé à la révision d’office de la pension pour la période de 1997 à 2006, l’INASTI a décidé de prendre une nouvelle décision dès que le dossier, pour quelque motif que ce soit, devait être réexaminé.
Selon l’Institut, cette mesure devait suffire, car l’absence de révision d’office ne portait que sur un nombre de cas assez limité.
Résultats et suivi
Madame Alibert voit sa pension revue par l’INASTI en février 2010. Cette révision prend effet à partir de décembre 2007, étant donné que le dernier solde des cotisations sociales a été régularisé en novembre 2007.
Grâce à l’adjonction de 2 années de carrière supplémentaires, la mensualité de l’intéressée est majorée de 44 euros.
En ce qui concerne Madame Poortman, l’INASTI était légalement tenu de revoir d’office le calcul de la pension, eu égard au fait que celle-ci avait été non payable durant plusieurs années par suite de l’exercice d’une activité non autorisée d’indépendant. Les périodes pendant lesquelles la travailleuse a payé les cotisations complètes au dessus du seuil minimal pour une activité exercée à titre principal devaient être reprises dans le calcul de la pension.
En mai 2010, l’INASTI nous a confirmé qu’il n’y avait (toujours) pas de procédure automatique pour engager une révision d’office de tels dossiers. L’INASTI nous a néanmoins assuré que cette problématique ferait l’objet d’un nouvel examen lors des adaptations futures des programmes informatiques.
Le Collège a pris acte de cette promesse, tout en estimant que l’INASTI devrait faire un effort supplémentaire pour détecter ces dossiers. Nous nous posons la question suivante : compte tenu des possibilités informatiques actuelles et moyennant une étroite collaboration avec l’ONP et les caisses d’assurances sociales, l’INASTI ne devrait-il pas être en état de revoir les dossiers d’office – sans qu’une démarche de l’intéressé, qui ignore généralement les changements intervenus dans la loi, soit nécessaire ?
Le Collège des médiateurs pour les Pensions évalueront annuellement les efforts promis par lNASTI à ce sujet.