Des problèmes dans le cumul de pensions

Pays : BELGIQUE
Institution : Médiateur pour les Pensions
Domaine d’intervention : Pensions de vieillesse ou de retraite

Explication du problème

En 2010, diverses plaintes nous sont parvenues liées à la problématique du cumul temporaire entre une ou plusieurs pensions de survie et des revenus de remplacement (indemnités de maladie, allocations de chômage, prépension).

Comme ces plaintes concernaient différents régimes de pensions, nous avons choisi d’en regrouper l’analyse sous un même commentaire transversal.

PREMIER CAS

À la suite du décès de son conjoint, deux pensions de survie sont octroyées à Madame Lorrain au 1er octobre 2007, dans le régime des travailleurs salariés et dans celui des travailleurs indépendants. Elle cumule ces pensions avec des allocations de chômage.

En application des dispositions légales, les pensions de survie ne peuvent être cumulées avec des revenus de remplacement que pendant une période de douze mois au maximum. Pendant ce délai, le montant alloué est éventuellement plafonné au montant de base de la GRAPA.

Au terme des douze mois, le bénéficiaire doit choisir entre les pensions et les revenus de remplacement.

Madame Lorrain estime ne pas pouvoir faire ce choix car elle ne connaît pas les montants des pensions de survie susceptibles de lui être payés dans le cas où elle renoncerait aux allocations de chômage.

Les services de pensions ne répondant pas à ses demandes d’informations à ce sujet, elle sollicite l’aide du Service de médiation Pensions.

DEUXIÈME CAS

Monsieur Westermann cumule une pension de survie et des allocations de chômage entre le 1er septembre 2008 et le 31 mars 2009.

Dans son cas, la pension de survie est limitée au montant de base de la GRAPA, soit 585,50 euros par mois au 1er septembre 2008.

Au 1er octobre 2008, le montant de base de la GRAPA a été revalorisé (hors index) et porté à 590,60 euros par mois.

Monsieur Westermann constate toutefois que le montant de sa pension de survie reste inchangé à cette date. Il s’en étonne et demande l’avis du Médiateur.

Constatations relatives aux dossiers de pension de Madame Lorrain et de Monsieur Westermann :

La notification que l’INASTI adresse le 3 janvier 2009 à Madame Lorrain contient deux décisions.

La première déclare la pension de survie payable à la date de la prise de cours (le 1er octobre 2007).

La seconde décision déclare la pension non payable à la fin de la période de douze mois (le 1er octobre 2008). Elle lui renseigne le montant de pension qui peut lui être payé dans le régime indépendant si elle renonce aux allocations de chômage (c’est-à-dire le montant payable à la fin du cumul entre les pensions et les allocations de chômage).

Ce montant est mentionné à la page « aperçu des décisions » de la notification. En même temps, il est indiqué à la page « paiement des droits de pension » que la pension de survie peut être cumulée avec un revenu de remplacement pendant 12 mois consécutifs ou non, mais que cette pension de survie est limitée au montant de la GRAPA.

Quant à la notification de l’ONP, elle aussi mentionne le montant de la pension de survie payable, sans tenir compte du cumul, mais cela n’est pas clairement précisé.

Or, le montant qui est payé à Madame Lorrain dans le régime salarié doit être limité à celui de la GRAPA. Il en découle que le montant payable après la période de cumul sera nécessairement plus élevé.

Nous constatons en outre que le paiement des arriérés de la pension du régime salarié n’a été effectué que le 22 avril 2009 et celui des arriérés de la pension du régime indépendant, seulement le 12 juin 2009. (Le retard à l’INASTI est notamment dû au fait que l’ONP a omis de lui transmettre la renonciation aux allocations de chômage)

Constatations générales tirées de l’examen de plusieurs plaintes similaires :

Dans le régime des travailleurs salariés, le cumul d’une pension de survie avec un revenu de remplacement est réglé par les articles 64 quinquies et 64 sexies de l’arrêté royal du 21 décembre 1967, tels que modifiés par l’arrêté royal du 17 août 2007. Dans le régime des travailleurs indépendants, il s’agit de l’article 107 quater de l’arrêté royal du 22 décembre 1967, inséré par l’arrêté royal du 27 mars 2008.

Problème n°1

Le choix que l’intéressé est tenu de faire au terme des 12 mois de cumul et les informations dont il doit disposer pour effectuer ce choix en connaissance de cause.

Il nous apparaît que l’insertion de ces dispositions dans la réglementation de pension devrait entraîner l’ONP et l’INASTI à prévoir de notifier clairement aux personnes concernées le montant non plafonné de la pension de survie qui pourrait leur être payé au terme des douze mois pendant lesquels elle peut être cumulée avec des revenus de remplacement, dans le cas où ces personnes renonceraient à ceux-ci.

Idéalement, cette information devrait leur parvenir avant la fin de l’écoulement des douze mois, pour que ces personnes soient en mesure de faire leur choix en temps utile. En effet, en l’absence de choix, les allocations de chômage sont, dans certains cas au moins, suspendues d’office au terme de la période de cumul autorisé.

Cependant, l’ONP estime que le montant payable à la fin de la période de 12 mois est en principe connu de l’intéressé. Il est vrai que ce montant est mentionné dans la décision (à l’index près). Cela exige malgré tout de la part de l’intéressé une analyse approfondie de la décision d’attribution.

Toutefois, il peut se présenter des situations où ce montant n’est pas connu. Par exemple, dans le cas où le paiement d’une pension de survie est suspendu depuis de nombreuses années pour cause d’activité professionnelle non autorisée.

Dans une telle hypothèse, le pensionné ne peut pas connaître le montant de pension de survie auquel il peut prétendre.

L’ONP admet l’existence de cas particuliers. Si les personnes intéressées le demandent, l’Office effectuera le calcul du montant de la pension de survie et le communiquera avant qu’elles ne doivent effectuer leur choix.

De son côté, l’INASTI mentionne d’initiative dans ses notifications deux montants, à savoir le montant payable au départ de la période de cumul et le montant payable à la fin de cette période de cumul.

Suite à notre médiation, l’INASTI a en outre donné instruction aux gestionnaires de dossiers de rappeler aux intéressés, avant la fin de la période de 12 mois, qu’ils devaient faire un choix. Dans ce rappel seront repris tous les éléments devant permettre aux intéressés d’opérer ce choix en pleine connaissance de cause.

Les plaintes que nous avons instruites ont fait apparaître que la personne placée devant ce choix éprouve le besoin de connaître très précisément le montant des prestations auxquelles elle pourra prétendre au terme de la période des douze mois, en cas de renonciation. A nos yeux, ce besoin est compréhensible et légitime.

En effet, la renonciation aux indemnités d’invalidité ou aux allocations de chômage est un acte qui l’engage pour l’avenir et pourrait être laborieux à annuler, le cas échéant.

À notre analyse, l’ONP répondrait donc mieux aux attentes régulièrement exprimées par les pensionnés – et par le législateur – en matière d’information s’il donnait, dans tous les cas, au conjoint survivant tous les renseignements utiles lui permettant de prendre une décision cruciale.

Cette information devrait donc lui être apportée, même lorsque, pendant la période du cumul, le montant de la pension est inférieur au montant de base de la GRAPA. Car souvent, l’intéressé ne saura pas, ou n’aura pas l’assurance, que le montant allouable en cas de renonciation restera inchangé.

Cette information doit lui être donnée par tous les services de pensions lorsque le conjoint décédé a eu une carrière mixte.

Le service de pensions doit, avant le terme de la période de douze mois, rappeler à l’intéressé qu’il a un choix à faire. Dans ce rappel, il convient de mentionner à nouveau le montant payable à la fin de la période de cumul.

Pour compléter notre information sur cette matière, nous avons demandé au SdPSP quelle était sa pratique en cas de cumul d’une pension de survie avec un revenu de remplacement.

Le SdPSP confirme qu’il envoie à chaque pensionné cumulant une pension de survie avec un revenu de remplacement, environ deux mois avant le terme de la période de douze mois, un courrier où il lui est demandé son futur choix. Dans ce courrier, le SdPSP mentionne clairement le montant de pension de survie qui sera payé en cas de renonciation aux revenus de remplacement.

Problème n°2 :

Lorsque le montant de la pension de survie est limité, pendant la période de cumul, à celui fixé par la loi sur la GRAPA, doit-il suivre les adaptations éventuelles de cette dernière prestation (hors indexation) ?

Dans le régime salarié, l’article 64 octies de l’arrêté royal du 21 décembre 1967 énonce :

« Lorsque la pension de survie payable en application de l’article 64quinquies ou de l’article 64sexies dépasse le montant fixé par l’article 6, § 1er, de la loi du 22 mars 2001 instituant la garantie de revenus aux personnes âgées, elle est ramenée à ce montant. »

Dans le régime indépendant, le § 4 de l’article 107 quater de l’arrêté royal du 22 décembre 1967 stipule :

« Lorsque la pension de survie payable en application des §§ 1er à 3 dépasse le montant fixé par l’article 6, § 1er, de la loi du 22 mars 2001 instituant la garantie de revenus aux personnes âgées, elle est ramenée à ce montant. »

Dans les deux régimes, les textes légaux sont rigoureusement identiques. Pourtant, l’ONP et l’INASTI en tirent des pratiques divergentes.

L’ONP fige le montant de la pension de survie, pour toute la période, au montant de la GRAPA payable à la date de l’application des articles 64 quinquies ou 64 sexies.

Cet organisme estime que le législateur a seulement voulu définir le montant du plafond, sans lier celui-ci à la GRAPA en tant que telle.

Il considère donc que lorsqu’une pension de survie, cumulée avec des revenus de remplacement, est mise en paiement, elle doit être plafonnée au montant qui est celui de la GRAPA au moment où ce cumul prend cours, sans que ce plafond suive l’évolution ultérieure de la GRAPA (indexation exceptée).

L’INASTI estime, au contraire, que le texte légal, se référant au montant de la GRAPA mais sans indiquer une date déterminée, implique qu’il doit être tenu compte de toutes les augmentations de ce montant, et pas seulement des indexations ou des majorations liées au bien-être général.

Pour cet organisme, la loi veut lier le plafonnement de la pension de survie, cumulée avec des revenus de remplacement, au montant de la GRAPA en tant que telle.

Le SdPSP (L’article 13, § 2, 5ème alinéa de la loi régissant le cumul des pensions du secteur public avec des revenus provenant de l’exercice d’une activité professionnelle ou avec un revenu de remplacement dispose :« Lorsque le montant d’une pension de survie payable en vertu de l’alinéa 2 ou de l’alinéa 3 dépasse le montant prévu à l’article 6, § 1er, de la loi du 22 mars 2001 instituant la garantie de revenus aux personnes âgées, il est limité à ce dernier montant. »), quant à lui, adopte la même interprétation que l’INASTI. Cela signifie qu’au SdPSP également, le montant payable de la pension de survie suit l’évolution de la GRAPA pendant la période de cumul avec des revenus de remplacement, aussi bien lors des indexations que lors des adaptations du montant décidées par le Gouvernement et confirmées par arrêté royal.

Les trois services de pensions sont bien conscients du fait qu’une telle divergence d’interprétation ne peut être maintenue. Il convient que les pensionnés soient traités de la même manière dans les trois régimes.

Un groupe de travail a réuni en décembre 2009 des représentants de ces trois organismes afin d’échanger leurs points de vue. Ils ne sont pas parvenus, par eux-mêmes, à accorder leurs violons.

Ils ont donc remis une synthèse de leurs analyses respectives au Ministre des Pensions. Actuellement (janvier 2011), aucune décision n’est encore tombée.

Pour être complet, nous souhaitons également évoquer le cas particulier de la personne qui bénéficie de deux ou plusieurs pensions de survie pendant la période de cumul avec les revenus de remplacement.

Dans cette hypothèse, chaque pension de survie reste payable pendant 12 mois et chaque prestation doit être limitée, le cas échéant, au montant de base de la GRAPA.

Intervention

À la suite de notre intervention, l’intéressée a pu obtenir une estimation du montant payable au 1er octobre 2008 en se rendant personnellement dans les bureaux de l’ONP. A cette occasion, elle a confirmé à l’ONP sa renonciation aux allocations de chômage.

Le montant de la pension de survie alloué à M. Westermann reste figé pendant toute la période de cumul avec une allocation de chômage (7 mois) au montant fixé au départ de cette période. L’ONP ne procède à aucune adaptation du montant limité, à l’exception de l’indexation légale.

Résultats et suivi

L’ONP et dans une moindre mesure l’INASTI, ne communiquent pas assez clairement le montant de pension de survie payable à la fin de la période de cumul avec les revenus de remplacement. Les pensionnés ne sont pas mis en état de faire, en toute connaissance de cause, le choix qui leur est imposé par la loi entre le revenu de remplacement et la pension de survie (non limitée).

Le SdPSP envoie avant la fin de la période de cumul des informations claires aux intéressés. Il leur rappelle qu’ils doivent effectuer un choix entre leur revenu de remplacement et la pension de survie. Et il mentionne sans ambiguïté le montant de la pension de survie sur laquelle ils peuvent compter.

L’INASTI donnera instruction à ses services de fournir dorénavant également aux intéressés les informations utiles avant la fin de la période de 12 mois.

L’ONP, de son côté, continue de penser qu’il n’est pas nécessaire d’informer d’office les pensionnés concernés. Il est cependant disposé à fournir l’information sur demande expresse des pensionnés.

L’importance de dispenser une information correcte et complète au sujet du choix à faire est incontestable. Et ce d’autant plus que la renonciation aux allocations de chômage est un acte qui l’engage pour l’avenir et pourrait être laborieux à annuler, le cas échéant.

En ce qui concerne la question de la liaison du montant payable à titre de pension de survie, lorsque celui-ci est limité au montant de la GRAPA, des interprétations divergentes opposent l’ONP d’une part, et l’INASTI et le SdPSP d’autre part.

Etant donné que la réglementation permettant un cumul temporaire entre pension de survie et revenus de remplacement, existe depuis cinq ans, le Collège estime qu’il est temps de mettre fin aux discordances constatées entre les pratiques des trois services de pensions.

C’est pourquoi nous formulons la recommandation générale suivante.

Recommandation générale

Dans les réglementations des travailleurs salariés, des travailleurs indépendants et du secteur public, la pension de survie peut être cumulée pendant une période maximale de 12 mois avec un revenu de remplacement. Dans les trois régimes, une disposition identique prévoit que le montant de la pension de survie est limité, durant cette période au montant de la GRAPA.

Sur la base de ces dispositions identiques, l’ONP adopte une pratique différente de celle en vigueur au SdPSP et à l’INASTI. En effet, l’ONP estime que la pension de survie doit être limitée pour toute la période au montant de la GRAPA tel qu’il est fixé et payé à la date du début du cumul de la pension de survie avec un revenu de remplacement. Le SdPSP et l’INASTI, au contraire, font évoluer le montant de la pension de survie limitée en même temps que l’évolution de la GRAPA pendant cette période.

Cette attitude divergente est troublante pour les pensionnés, en particulier ceux dont le conjoint décédé a eu une carrière mixte, et conduit à beaucoup d’incertitude.

Le Collège recommande donc d’adapter les dispositions qui règlent la limitation de la pension de survie au montant de la GRAPA afin qu’il soit établi clairement s’il faut procéder ou non à l’adaptation du montant de la pension de survie limitée durant la période de cumul avec un revenu de remplacement, à l’évolution hors index du montant de la GRAPA.

Les autres cas d’école

ALBANIE
BELGIQUE
BENIN

Médiateur de la République du Bénin

BULGARIE
BURKINA FASO
CANADA

Défenseur des enfants et de la jeunesse du Nouveau-Brunswick

COTE D’IVOIRE
DJIBOUTI
ESPAGNE
FRANCE
GUINEE

Médiateur de la République de Guinée

HAITI

Protecteur du citoyen et de la citoyenne

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MACEDOINE
MADAGASCAR
MALI
MAROC
MAURICE
MOLDAVIE
MONACO

Haut Commissariat à la Protection des Droits, des Libertés et à la Médiation

NIGER
ROUMANIE
SENEGAL
TCHAD

Médiateur de la République du Tchad

TUNISIE

Médiateur administratif de la République tunisienne

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