– Défenseur des droits (France) –
À l’heure où tous les pays membres de l’Union européenne sont appelés à transposer la directive 2019/1937 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union, la Défenseure des droits, chargée depuis 2016 de l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte, appelle les sénateurs à maintenir toutes les avancées de la proposition de loi sur les lanceurs d’alerte votées par les députés en 1ère lecture.
Après examen en Commission des lois, la proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte portée par le député Sylvain Waserman, largement amendée par les sénateurs est en net recul, en raison de la disparition de certaines avancées notables figurant dans le texte adopté en 1ére lecture par l’Assemblée nationale.
La Défenseure des droits attire particulièrement l’attention sur plusieurs modifications problématiques du texte qui sera débattu le 19 janvier au Sénat :
Une nouvelle définition de l’alerte qui fragilise le régime de protection
En premier lieu, la définition de l’alerte a été modifiée par l’ajout d’un critère de gravité et de connaissance personnelle des faits pour les matières qui ne relèvent pas du champ de la directive. Or, cette introduction d’une distinction dans la définition de l’alerte en fonction de son domaine est de nature à grandement complexifier le parcours des lanceurs d’alerte et par conséquent à les fragiliser. En effet, les personnes qui effectuent un signalement ne sont pas des juristes avertis. Or toute erreur d’appréciation leur fera perdre le bénéfice du régime de protection.
Les personnes morales sorties du régime de protection des lanceurs d’alerte
Les personnes qui aident les lanceurs d’alerte, ne pourront désormais plus être des personnes morales. Or le soutien, par exemple par une association ou un syndicat, est souvent nécessaire pour accompagner la personne qui souhaite effectuer un signalement et la sortir de son isolement.
Les aides financières remises en question
Le texte est également en régression sur l’aide financière qui peut être apportée aux lanceurs d’alerte. En effet, les juges ne pourront plus allouer de manière définitive les aides accordées au cours de l’instance. Or cette disposition était de nature à pallier, du moins partiellement, à la recommandation de la Défenseure des droits consistant à créer un fonds dédié au soutien financier des lanceurs d’alerte.
De manière générale, la Défenseure des droits observe que certains des amendements paraissent contestables au regard des dispositions même de la directive, comme la suppression de la liberté de choix du canal interne ou externe du signalement ou de la possibilité d’établir une procédure de recueil et de traitement des signalements, commune à toutes les sociétés du groupe.
Enfin, elle observe que la réécriture des dispositions de l’article 122-9 du code pénal sur l’irresponsabilité pénale du lanceur d’alerte parait contraire à la clause de non régression de la directive.
Au bénéfice des avancées votées en commission des lois par les sénateurs concernant les évolutions de la proposition de loi organique relative au rôle du Défenseur des droits ou de celles consistant par exemple à étendre l’ensemble de la protection des lanceurs d’alerte aux facilitateurs, la Défenseure des droits recommande, au terme de la discussion Parlementaire, d’adopter les textes qui permettent d’assurer une protection maximale aux lanceurs d’alerte.
La consécration du droit fondamental d’alerter constitue un marqueur démocratique majeur d’une société permettant à tout citoyen d’œuvrer à la moralisation de la vie publique par la préservation de l’intérêt général.
La transposition de la directive offre aux parlementaires la possibilité de s’emparer avec ambition du renforcement substantiel de la protection des lanceurs d’alerte. Elle doit s’inscrire dans un mouvement commun irréversible additionnant toutes les avancées déjà mises en lumière.
29/12/2021. Lien vers l’article originel