– Défenseur des droits (France) –
Alors que le projet de loi « portant diverses dispositions de vigilance sanitaire » est débattu aujourd’hui à l’Assemblée nationale, la Défenseure des droits maintient ses points d’alerte sur le risque que des mesures d’exception s’inscrivent dans la durée et rappelle que toute mesure portant atteinte aux libertés doit être adaptée, nécessaire et proportionnée à l’objectif poursuivi.
La Défenseure des droits s’inquiète tout d’abord que soit envisagée la prorogation du régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 31 juillet 2022, proposée par le projet de loi en débat, sans qu’aucun nouveau vote du Parlement ne soit prévu pendant une période aussi longue, ni que soient fixés par le législateur des critères objectifs encadrant la possibilité pour le pouvoir réglementaire de mettre en œuvre des mesures d’exception.
Tout en reconnaissant l’importance de la vaccination dans la lutte contre la pandémie, la Défenseure des droits s’inquiète particulièrement du choix de l’exécutif d’instaurer par arrêté le déremboursement des tests de dépistage de la Covid-19, réduisant dans les faits la possibilité de présenter un passe sanitaire soit à un schéma vaccinal complet, soit à un certificat médical de contre-indication à la vaccination, soit à un certificat médical de rétablissement, alors que la loi prévoyait la possibilité de présenter le résultat d’un test de dépistage négatif qui était remboursé par la sécurité sociale à la date où le législateur s’est prononcé. Cette décision modifie profondément l’équilibre sur lequel reposait le dispositif prévu par la loi et pourrait s’apparenter à une obligation vaccinale déguisée.
Premièrement, compte-tenu de son impact sur l’exercice de droits et libertés, il semble que le déremboursement de certains de ces tests est susceptible de relever du niveau législatif et non d’un simple texte règlementaire.
Deuxièmement, cette disposition, qui touchera en particulier les personnes les plus vulnérables, présente un risque discriminatoire. Dans son avis du 20 juillet 2021, la Défenseure des droits rappelait déjà que le déremboursement de ces tests implique que « le dépistage des personnes éloignées du système de santé, des populations précaires et/ou isolées, en sera d’autant plus difficile. Les inégalités sociales, déjà mises en exergue lors de la campagne de vaccination, notamment en raison de la fracture numérique, seront accentuées. » Or, les chiffres récents de l’Assurance maladie montrent que, pour toutes les tranches d’âge, le taux de vaccination dans les communes les plus défavorisées reste significativement inférieur à celui qu’on observe dans les communes les plus favorisées[2].
Enfin, la nécessité d’une prescription médicale permettant de bénéficier d’une prise en charge financière du test de dépistage, de nature à accentuer la pression sur le système de santé, constitue un frein supplémentaire pour l’accès à des biens et services, comme des actes médicaux programmés à l’hôpital, une visite à un proche en EHPAD ou se rendre dans un établissement recevant du public.
La Défenseure des droits recommande par ailleurs que soit rappelée l’interdiction de demander la production d’une pièce d’identité en complément de la présentation d’un passe sanitaire, les pratiques apparaissant variables malgré la décision explicite du Conseil constitutionnel.
[1] Avis n°20-10 du 3 décembre 2020 ; Avis 21-06 du 17 mai 2021, page 6 ; Avis n°21-11 du 20 juillet 2021
[2] Voir : https://datavaccin-covid.ameli.fr/pages/synthese/.
À titre d’illustration, pour les 40-54 ans, au 26 septembre 2021, on observe un taux moyen de vaccination (à schéma complet) de 84,6 % pour les 10 % des Français résidant dans les communes les plus favorisées, mais seulement de 76,2 % pour les 10% résidant dans les communes les moins favorisées.
01/11/2021. Lien vers l’article originel