– Sindic – Défenseur des personnes (Catalogne, Espagne) –
Le Síndic de Greuges propose une médiation contre le projet d’agrandissement de l’aéroport de Barcelone-El Prat. La résolution du Síndic demande une augmentation des mesures actives de publicité et de transparence ainsi que la participation des administrations de la Généralité de Catalogne et des autorités locales à la gestion partagée de l’infrastructure aéroportuaire. En ce qui concerne la protection de l’environnement, il suggère que l’ « alternative zéro » soit évaluée.
En juin 2021, les médias ont mis en lumière la proposition d’AENA (Aéroports Espagnols et Navigation Aérienne, organisme espagnol sous l’égide du ministère des transports, de la mobilité et de l’agenda urbain) d’agrandir l’aéroport, ce qui impliquerait l’extension sur des zones naturelles d’une valeur environnementale exceptionnelle dans le delta du Llobregat, comme le lac Ricarda. Le Síndic a entamé une mesure officielle pour analyser les actions des administrations publiques concernées par cette proposition, et a demandé des informations à ce sujet à AENA, au Département de la Vice-présidence et des Politiques numériques et du Territoire, et à la Mairie d’El Prat de Llobregat.
Après avoir reçu et analysé toutes les informations demandées, le Síndic considère que l’énorme complexité de l’expansion de l’aéroport requiert une méthodologie de travail appropriée au sujet débattu, qui ne dépasse pas des termes prédéfinis et à durée limitée. Un débat sérieux est nécessaire pour analyser de manière globale les exigences de l’aéroport et de ses environs et toutes les conséquences d’une proposition telle que celle présentée par AENA. Cette procédure de travail doit également permettre une analyse réfléchie des droits affectés et des alternatives possibles, ce qui nécessite la participation et l’étude détaillée des administrations concernées, mais aussi des représentants de la société civile.
En ce sens, la création d’un comité d’étude composé d’experts proposés par les différentes administrations et organisations de la société civile devrait faciliter l’obtention d’un meilleur résultat final, toujours dans l’intérêt général et avec une évaluation préalable équilibrée des considérations juridiques, économiques, environnementales, etc. correspondantes. Ce comité d’étude doit disposer de suffisamment de temps pour pouvoir mener à bien ses travaux sans conditions et influences extérieures. Alternativement, le Síndic de Greuges offre la possibilité à toutes les administrations publiques et aux acteurs impliqués que cette institution promeuve des fonctions de médiation dans ce domaine. Dans l’exercice de ses fonctions de médiation, le Síndic de Greuges organise l’échange de points de vue entre les parties concernées, les encourage à trouver un accord et formule des propositions de résolution du conflit, sans caractère contraignant, afin que les parties concernées puissent décider librement sur la base de ces propositions.
Le droit à la protection de l’environnement
Le Síndic étudie la protection des espaces naturels du delta du Llobregat dans le cadre d’une action officielle, suite à l’information sur la demande faite par la Commission européenne et les lacunes dans sa protection.
La résolution du Síndic fournit une analyse juridique de la législation sur le changement climatique et la transition énergétique, et de ses implications dans le cas en question. Il ressort de cette analyse que l’évaluation des effets environnementaux d’une extension telle que celle proposée ne doit pas être considérée comme une « procédure » ou un « obstacle », mais plutôt comme un élément substantiel du processus décisionnel des administrations publiques compétentes. Le Síndic considère qu’il est nécessaire de proposer une approche du point de vue de l’évaluation de l’alternative zéro, car il faut considérer la possibilité de non-intervention (c’est-à-dire ne pas réaliser l’extension) comme la meilleure option du point de vue stratégique ou environnemental. Il doit être possible de choisir, parmi différentes alternatives possibles, celle qui préserve le mieux l’intérêt général dans une perspective globale et intégrée, en tenant compte de tous les effets dérivés de l’infrastructure ou de l’activité envisagée. Pour que cet objectif soit atteint, il faut que ce choix puisse tomber ─ comme une alternative possible─ sur l’option de ne pas être réalisé et, par conséquent, que cette alternative puisse avoir une place dans le processus d’évaluation.
Si nous partons de la prémisse qu’une économie basée sur la déprédation de l’environnement naturel n’est pas durable, il est nécessaire de donner la valeur qu’elle a à l’alternative zéro, prévue dans la réglementation comme un moyen d’assurer la conservation du patrimoine commun face à des intérêts et des actions souvent sans justification suffisante dans le futur. Aujourd’hui plus que jamais, cette institution souligne qu’il est temps de mettre notre imagination au service du développement de solutions pour satisfaire les besoins humains les plus pressants et futurs.
Sur l’accès à l’information environnementale, réglementé par la loi d’État 27/2006, du 18 juillet, qui régit les droits d’accès à l’information, la participation du public et l’accès à la justice en matière d’environnement, la résolution met l’accent sur le droit des personnes à recevoir des informations sur l’environnement par tout canal demandé, ou à les consulter sur le site web des administrations compétentes, dans le but de pouvoir bénéficier d’un environnement sain et de remplir leur devoir de le respecter et de le protéger. Les informations environnementales comprennent l’état de l’air, de l’eau, du sol, de la terre, des paysages et des zones naturelles, y compris les marais et les plages ; la diversité biologique ; les substances polluantes ; la promotion des énergies renouvelables ; et les déchets, résidus, émissions ou rejets susceptibles d’affecter l’environnement.
Transparence
La transparence, l’accès à l’information publique et les règles de bonne gouvernance doivent être les pierres angulaires de toute action politique. La transparence est un facteur essentiel de crédibilité, de confiance et de réputation, d’une valeur incontestable pour les organisations qui gèrent les services publics, mais aussi pour les citoyens et les parties prenantes. Il existe un consensus international sur le fait que la transparence contribue à stimuler et à renforcer les politiques de responsabilité des entreprises et à promouvoir les bonnes pratiques d’entreprise. Par conséquent, la garantie du droit du public à connaître les informations publiques ne peut être dissociée de la culture de l’entreprise, et encore plus lorsqu’il s’agit d’une entreprise publique comme AENA.
Cet engagement en faveur de la transparence contribue à favoriser le dialogue, la collaboration et la responsabilisation, et permet en même temps d’évaluer et de renforcer en permanence l’engagement envers le public d’une entreprise publique qui gère des infrastructures publiques essentielles. Promouvoir la consolidation d’une société informée et participative aide AENA (et toute entité publique) à mieux remplir la mission qui lui a été confiée par la loi, ainsi qu’à être plus efficace et à se développer en tant qu’entreprise ou entité responsable.
La loi d’État 19/2013, du 9 décembre, sur la transparence, l’accès à l’information publique et la bonne gouvernance, s’applique à AENA. Cependant, à l’heure actuelle, il n’est pas possible pour le public d’avoir accès aux comptes et aux résultats financiers de chacun des aéroports gérés par AENA. Pour la question qui nous préoccupe aujourd’hui, il serait également utile de disposer de cette information pour savoir maintenant quelle est la contribution de l’aéroport de Barcelone-El Prat au bénéfice annuel déclaré par AENA.
Il est également nécessaire que cette publicité active soit étendue aux projets et investissements réalisés à l’aéroport, avec le détail des investissements prévus et de ceux finalement réalisés selon les calendriers respectifs.
L’autonomie et la nécessaire gestion partagée de l’aéroport
L’article 140 du statut d’autonomie de la Catalogne, consacré aux infrastructures de transport et de communication, énonce que la Généralité de Catalogne participe aux organes supra-autonomes qui exercent des fonctions sur les infrastructures de transport situées en Catalogne et appartenant à l’État. Le statut détermine que la Généralité est chargée de participer à la planification et à la programmation des ports et aéroports d’intérêt général, dans les termes déterminés par la réglementation de l’État. Dans le même sens, il est réglementé dans la loi de l’État 40/2015, du 1er octobre, sur le régime juridique du secteur public, qui énonce les principes généraux que toutes les administrations publiques doivent respecter dans leurs actions et dans leurs relations réciproques, et cite les principes d’efficacité, de hiérarchie, de décentralisation, de déconcentration, de coordination et de pleine soumission à la loi et au droit. La loi met également l’accent sur l’incorporation des principes de transparence et de planification et de gestion par objectifs, en tant que représentants des nouveaux critères qui doivent guider les actions de toutes les unités administratives.
Toutefois, le modèle actuellement en vigueur en Espagne concentre la gestion centralisée de tous les aéroports d’intérêt général, dont celui de Barcelone-El Prat, dans AENA. AENA est une société commerciale publique dans laquelle l’État détient une participation de 51 %. Depuis le 11 février 2015, AENA est cotée en bourse. Un changement du modèle de gestion des aéroports d’intérêt général impliquerait de dépasser le modèle centralisé actuel de la gestion d’AENA et d’évoluer vers un modèle décentralisé dans lequel chaque aéroport d’intérêt général, ayant une capacité suffisante pour assumer les responsabilités que cela implique, est constitué en entité de gestion dotée d’une personnalité juridique propre.
La gestion décentralisée de l’aéroport, ainsi que le fait d’apporter la gestion de l’infrastructure au territoire (Generalitat, mais aussi les municipalités concernées), permettrait d’augmenter la transparence dans la gestion et la comptabilité, et d’offrir des résultats et des données individualisés pour chaque aéroport. En particulier, elle permettrait au public de connaître les comptes et les résultats économiques séparés par aéroport, information qu’il serait également utile de connaître aujourd’hui pour savoir quelle est la contribution de chaque aéroport d’intérêt général (et, concrètement, celle de Barcelone-El Prat) au bénéfice annuel déclaré par AENA.
Conclusions et recommandations
Le Síndic de Greuges rappelle aux administrations publiques :
Le droit des personnes à accéder à l’information et à la participation du public en matière d’environnement.
Le droit à l’autonomie et à la gestion partagée de l’aéroport, avec la participation de l’administration de la Généralité de Catalogne et des autorités locales.
Le droit de toute personne de bénéficier d’un environnement approprié pour son développement personnel.
Le Síndic s’est adressé au Président de la Generalitat et au Ministre des Travaux Publics, et a informé le Parlement de Catalogne, le Síndic et les administrations locales concernées, afin que, dans le cadre de leurs compétences respectives, ils puissent adopter les décisions pertinentes concernant le projet d’expansion de l’aéroport de Barcelona-El Prat, en tenant compte des considérations suivantes :
Suggère que la proposition d’AENA soit étudiée en profondeur par un comité d’experts désignés par les administrations publiques et les organisations de la société civile concernées, et offre la possibilité que le bureau du Síndic soit l’institution qui promeut les actions de médiation en la matière.
Elle propose de renforcer les mesures de publicité active et de transparence d’AENA afin que le public puisse connaître les comptes et les résultats économiques séparés de chacun des aéroports d’intérêt général qu’elle gère et sa contribution au bénéfice que l’entreprise publique déclare chaque année.
Elle recommande la participation des administrations de la Generalitat de Catalunya et des autorités locales à la gestion partagée des infrastructures aéroportuaires.
En matière de protection de l’environnement :
- a) Souligne la validité des droits des personnes à l’accès à l’information et à la participation en matière d’environnement.
- b) Suggère d’évaluer l’alternative zéro.
- c) souligne que le développement durable est l’un des principes directeurs de l’action de toutes les administrations publiques, sans préjudice de la nécessité de tenir compte de l’équilibre territorial.
- d) Souligne le mandat du législateur de réduire l’impact des activités humaines sur le changement climatique.
- e) exige une analyse approfondie de la documentation sur les émissions atmosphériques dues à l’expansion proposée de l’aéroport.
- f) rappelle la nécessité de prendre en compte les valeurs naturelles particulières des zones affectées par l’expansion proposée de l’aéroport.
Traduction non officielle. Lien vers l’article original