Cessation des pensions des cotisants
Pays : KOSOVO
Institution : Institution du Médiateur de la République du Kosovo
Domaine d’intervention : Pensions de retraite
Explication du problème
Ce rapport est basé sur l’affaire C.890/2016 et se fonde sur les allégations, les faits et les preuves du plaignant déposées auprès de l’Institution du Médiateur (OI) concernant la cessation des pensions des cotisants. Outre la plainte susmentionnée, le Médiateur a également reçu d’autres plaintes de même nature. Le rapport vise à attirer l’attention du ministère du travail et de la protection sociale sur le fait que les citoyens bénéficient des droits légaux et constitutionnels garantis d’utiliser les pensions des cotisants comme un droit de propriété.
Le rapport analyse le cadre juridique en termes d’exercice du droit à la pension de vieillesse contributive, en relation avec le droit d’exercer d’autres pensions conformément à la loi n° 04/L-054 sur le statut et les droits des martyrs, des invalides, des vétérans, des membres de l’Armée de libération du Kosovo, des victimes civiles de la guerre et de leurs familles, ainsi qu’à la loi n° 04/L-261 sur les vétérans de la guerre de l’Armée de libération du Kosovo.
En outre, le présent rapport explique que l’exercice du droit à la pension de vieillesse contributive représente l’exercice du droit à la propriété, sur la base de l’article 1er du protocole n° 1 de la Convention européenne des droits de l’Homme (ci-après CEDH) en ce qui concerne la condition d’exercice du droit à cette pension, sur la base de l’article 8 de la loi n° 04/l-131 sur les régimes de pension financés par l’État (ci-après la loi sur les régimes de pension).
Avec la création d’autres régimes spéciaux de pension, de nombreux plaignants ont demandé et acquis des droits et des avantages de ces régimes et, pendant longtemps, ils ont bénéficié de deux régimes de pension, à savoir la pension de vieillesse contributive et d’autres pensions déterminées par des lois spécifiques.
À partir de 2016, sans notification ni consultation préalable pour renoncer volontairement à une forme de pension, les pensions de vieillesse contributives ont été abrogées et les plaignants ont obtenu leur congé par décision du Ministère du travail et de la protection sociale (MLSW).
Les plaignants affirment que leurs plaintes ont été déposées auprès de la Commission des plaintes du MLSW, mais qu’aucune réponse ne leur a été signifiée.
Le Médiateur a envoyé à plusieurs reprises des lettres au MLSW pour demander à être informé des bases juridiques de la cessation des pensions des cotisants et des raisons pour lesquelles les citoyens n’ont pas reçu de réponse à ce sujet de la part de la Commission des plaintes du MLSW. Cependant, aucune réponse n’a été fournie au Médiateur dans aucune des lettres envoyées.
Lors de la réunion tenue le 6 février 2018 avec les représentants du MLSW, entre autres, les questions soulevées par le Médiateur dans les lettres susmentionnées ont été examinées. Au cours de cette réunion, les représentants du Médiateur ont été informés que le MLSW a mis fin aux pensions sur la base de l’article 16 de la loi sur les régimes de pension.
Intervention
Le Médiateur souligne que le droit à la pension de vieillesse contributive est régi par la loi sur les régimes de pension, tandis que le droit à la pension et aux prestations pour les catégories issues de la guerre est régi par la loi sur les valeurs de guerre et la loi sur les anciens combattants de l’Armée de libération du Kosovo (UCK).
Mais, bien que la personne remplisse les critères déterminés par la loi pour l’exercice du droit à la pension de vieillesse contributive ou à toute autre pension financée par l’État, elle peut être privée du droit de bénéficier des pensions garanties par la loi. Cela découle de la disposition légale selon laquelle : « Les personnes qui remplissent les conditions et les critères pour bénéficier de la pension de vieillesse contributive ne peuvent être bénéficiaires d’aucun autre régime de pension établi par la présente loi » (article 8, paragraphe 3, de la loi sur les régimes de pension financés par l’État).
À cet égard, on peut conclure que l’utilisation d’une pension exclut le droit d’exercer une autre pension. Cela signifie qu’un ancien combattant de l’UCK ne pourra pas exercer le droit à une pension sur la base de la contribution versée pendant la guerre, qui est déterminée par la loi sur les valeurs de guerre, si cette personne exerce le droit à une pension de cotisant en raison de son âge. Dans ce cas, la personne doit choisir entre utiliser la pension à laquelle elle a cotisé comme le prévoit la loi en vigueur et utiliser la pension qui lui appartient, également selon la loi, pour la contribution qu’elle a donnée pendant la guerre de l’UCK.
Dans ce cas, l’accent devrait être mis sur la pension de vieillesse des cotisants pour deux raisons :
Premièrement, en vertu de la loi sur les régimes de pension, la personne qui fournit une preuve valable de la cotisation versée conformément aux dispositions de la loi sur la pension et l’assurance invalidité n° 011-24/83 (Journal officiel de la SAPK n° 26/83) avant le 1er janvier 1999 a droit à cette pension ; et
Deuxièmement, la contribution payée conformément au point 1) est considérée comme un droit de propriété selon la Cour européenne des droits de l’Homme.
Par conséquent, la condition légale d’exercice du droit à la pension de vieillesse contributive, avec l’exercice de toute autre pension, constitue une violation de l’article 1 du Protocole 1 de la CEDH.
Il ressort de ce qui précède que la pension de vieillesse contributive peut être refusée à une certaine personne qui exerce le droit à une autre personne, puisque le cadre juridique ne permet l’exercice que d’une seule pension. Il convient de mentionner ici le fait que les dispositions légales ne précisent pas qui fait le choix de la pension dont il faudra bénéficier à l’avenir. La loi sur les valeurs de guerre donne clairement le droit à la personne qui remplit les critères prévus d’exercer ce droit à l’une des pensions prévues par cette loi. Toutefois, la loi sur les régimes de pension ne reflète pas cette situation.
Le Médiateur estime qu’une telle restriction du droit à l’exercice de la pension de vieillesse contributive ou de toute autre pension financée par l’État, malgré le fait que les conditions déterminées par la loi soient remplies, constitue une violation du droit à la propriété.
Le Médiateur estime que pour discuter du déni du droit à la propriété conformément à l’article 1 du protocole n° 1 de la CEDH, il convient de prendre en considération le fait que le droit à la propriété peut être restreint par l’État, uniquement en cas d’intérêt général.
À cet égard, afin de déterminer la violation de l’article 1er du Protocole n° 1, il convient d’examiner les questions suivantes :
- L’intrusion de l’Etat est-elle proportionnelle ; existe-t-il réellement un équilibre entre les demandes d’intérêt général et les demandes de protection des droits fondamentaux de la personne ?
- Cette intrusion est-elle conforme au principe de légalité ?
- Cette intrusion sert-elle l’objectif légitime d’intérêt public ou général ?
Si la réponse à toutes ces questions est « non », il est estimé que l’intrusion est contraire à l’article 1 du protocole n°1 de la CEDH.
Lorsqu’on parle de l’article 1er du protocole n° 1 de la CEDH, il devrait être évident que, sur la base de la pratique de la Cour européenne des droits de l’Homme, l’interprétation de cet article et de la notion de propriété elle-même est très large. Sur la base de la pratique actuelle de la Cour européenne des droits de l’Homme, les pensions sont régies par cet article, et ce en raison de l’affaire Muller contre Autriche. Au cours des discussions sur ces affaires, la Cour européenne des droits de l’Homme a estimé que le droit à l’exercice de la pension de cotisant n’est pas le droit prévu en soi par la CEDH. Néanmoins, la Cour a estimé que le paiement des cotisations au fonds de pension permet à la personne d’établir son droit à la propriété. Par analogie, il en va de même pour le paiement de cotisations à caractère volontaire. En faveur de ce qui a été dit jusqu’à présent, est également révélé dans la jurisprudence de Gaygusuz contre Autriche où un lien entre les cotisations et la pension a été fait, ainsi la personne qui a payé des cotisations personnelles, le droit à l’exercice de cette pension ne peut être nié. En outre, selon l’affaire Van Raalte c. Pays-Bas, l’article 1 du protocole n° 1 s’applique au paiement des cotisations de retraite, en raison notamment du fait que cette obligation est imposée par l’État pour le paiement des cotisations et des impôts.
Enfin, compte tenu du pouvoir discrétionnaire dont dispose l’État pour justifier l’applicabilité des différents traitements dans des affaires similaires, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé dans l’affaire Wessels-Bergervoet c. Pays-Bas que le droit à l’exercice de la pension de vieillesse contributive relève de l’article 1er du protocole n° 1 à la CEDH.
Sur la base de ce qui a été dit ci-dessus, on peut constater que la législation nationale ne peut en aucun cas conditionner l’exercice du droit à la pension de vieillesse contributive, et ce en raison de la pratique de la Cour européenne des droits de l’homme et de sa priorité sur les dispositions et les lois ainsi que sur d’autres actes des institutions publiques. A l’inverse, la législation de la République du Kosovo agit en faveur de la discrimination sur la base de la propriété, en conditionnant l’exercice du droit à cette pension en cas d’admission à l’exercice d’une autre pension prévue par les régimes de pension de l’Etat.
Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, il n’y a pas de possibilité de sélection alternative entre les pensions disponibles, puisque la pratique de la Cour européenne des droits de l’Homme ne permet pas de conditionner l’exercice du droit à la pension de contributeur en fonction de l’âge.
En dehors de ce qui a été dit ci-dessus, le droit à la jouissance de la pension, et plus précisément le droit à la pension de cotisant, est un droit acquis, qui représente la doctrine juridique, selon laquelle, un droit acquis sur la base de normes juridiques déterminées, ne peut être limité par des lois ou des actes juridiques promulgués ultérieurement. La doctrine du droit acquis est étroitement liée au principe de la sécurité juridique. Ainsi, la restriction du droit à la jouissance d’une pension de cotisant conformément à l’article 8 de la loi n° 04/L-131 sur les régimes de pension financés par l’État viole le principe de sécurité juridique car ce droit a été acquis sur la base de lois antérieures sur les pensions et ne peut être modifié par aucune autre loi.
Résultats et suivi
À la fin, le Médiateur souligne que les erreurs que les lois contiennent ont des répercussions sur l’État de droit, respectivement sur la sécurité juridique. Par la sécurité juridique est demandé que les règles juridiques soient claires et précises par lesquelles la prévision des situations est visée, la désapprobation des lois ambiguës par l’Assemblée et que les actions et promesses données par l’État aux personnes (attentes légitimes) doivent être remplies. En outre, avec la sécurité juridique, il est entendu que la loi doit être appliquée dans la pratique et qu’elle est applicable.
D’autre part, le Médiateur recommande au ministère du travail et de la protection sociale de proposer au gouvernement de la République du Kosovo, conformément à ses pouvoirs et autorisations, une modification de la loi sur le travail :
1. Loi n° 04/l-131 sur les régimes de retraite financés par l’État, en supprimant effectivement:
a) du paragraphe 3 de l’article 8 de cette loi, qui détermine que : « Les personnes qui remplissent les conditions et les critères pour la pension de vieillesse contributive ne peuvent être utilisateurs d’aucun autre régime de pension établi par la présente loi » ;
b) L’article 16 de cette loi, qui stipule que : « Les personnes qui sont bénéficiaires d’une pension des régimes de pension définis par la présente loi ne peuvent en aucun cas être les bénéficiaires d’une pension des régimes spéciaux de pension qui sont gérés et administrés par le ministère ».
2. Loi n° 04/l-054 sur le statut et les droits des martyrs, des invalides, des anciens combattants, des membres de l’Armée de libération du Kosovo, des victimes civiles de la guerre et de leurs familles, supprimant en fait le paragraphe 1.4 de l’article 5 de la loi, qui stipule que « les bénéficiaires de pensions au titre des paragraphes 1.1, 1.2 et 1.3 du présent article ne peuvent être les bénéficiaires d’aucune autre pension d’un autre régime de pension applicable au Kosovo, sauf définition contraire dans la présente loi ».
3. Loi n° 04/L-261 sur les anciens combattants de l’Armée de libération du Kosovo, supprimant respectivement le paragraphe 2 de cette loi qui stipule que « L’ancien combattant de l’UCK ne peut bénéficier d’aucune pension provenant d’autres régimes de pension financés par l’État. Si l’ancien combattant bénéficie d’un autre régime de pension financé par l’État en République du Kosovo, il décide de l’une des pensions qu’il recevra ».