– Office de la Protection du Citoyen d’Haïti –
L’exercice du droit de manifester : Une responsabilité partagée entre la police et les manifestants.
Port-au-Prince, le 17 février 2021.
Depuis vers les années 1980, les haïtiens et haïtiennes ont toujours recours à la manifestation pour faire passer certaines revendications. Si sous le régime des Duvalier avant le 7 février 1986, le peuple ne pouvait pas exercer le droit de manifester en toute liberté ; cependant, après la chute de Jean Claude Duvalier dit Baby Doc, le droit de manifester en Haïti a connu une ampleur considérable dans beaucoup de régions du pays en raison de l’absence des mesures ou des dispositions adéquates pour garantir aux citoyens et citoyennes la jouissance de certains droits économiques, sociaux et culturels et aussi l’accès à des services de base notamment l’eau potable, l’électricité, l’éducation, la nourriture, l’infrastructure, etc.
Face à cet état de fait, les haïtiens, ont toujours utilisé ou utilisent encore le droit de manifester comme l’un des outils pouvant leur permettre d’obtenir la satisfaction à leurs revendications ou à leurs cahiers de doléances. Étudiants, professeurs, ouvriers, paysans, employés de l’administration publique ; en un mot, tous les secteurs confondus pratiquent cette méthode comme outil légal de combat face à certaines autorités n’assurant pas le plus souvent leur pleine responsabilité.
Le droit de manifester est garanti par tous les instruments internationaux de protection des droits de l’homme. Ce droit est aussi inséré dans la législation haïtienne notamment dans la constitution haïtienne de 1987 en son article 31 stipulant : « La liberté d’association et de réunion sans armes à des fins politiques, économiques, sociales, culturelles ou à toutes autres fins pacifiques est garantie.» Néanmoins, il y a lieu de faire remarquer que l’exercice du droit de manifester constitue une responsabilité partagée entre la police et les manifestants eux- mêmes. La liberté de manifester pacifiquement est un droit essentiel à l’expression collective et publique de ses opinions, à la défense de l’ensemble des droits humains qui n’est sujette à aucune autorisation préalable. En revanche, les autorités sont tenues d’être informées préalablement des réunions devant se dérouler dans des lieux de manifestation publique et du parcours. Elles ne pourront les interdire que si des raisons fondées permettent de prévoir que l’ordre public sera perturbé mettant en danger des personnes ou des biens.
La police en tant qu’institution garant de la protection des droits humains ou chargée de la protection des droits humains a pour devoir de permettre aux citoyens de jouir du droit de manifester, par l’encadrement, l’assistance, etc. Toutefois, d’un autre côté, les manifestants ont aussi une part de responsabilité. La loi d’ailleurs fait obligation aux manifestants de notifier à la police l’organisation de la manifestation et son éventuel parcours. « Les réunions sur la voie publique sont sujettes à notification préalable aux autorités de police.» (Article 31-2 de la Constitution haïtienne) Il s’agit d’ailleurs d’un principe tout à fait fondamental. La violation de ce principe peut entrainer des dégâts. Quand la police n’est pas notifiée de l’organisation d’une manifestation, des évènements regrettables peuvent se produire. Donc, la notification d’une manifestation est importante pour la tenue ou le déroulement de celle-ci dans l’ordre et la discipline.
Manifestation n’est pas synonyme de violence, il faut respecter les bâtiments publics, il faut respecter le droit de ceux aussi qui ne veulent pas prendre part aux manifestations. Donc c’est l’équilibre entre la responsabilité de la police et celle des manifestants qui peuvent fleurir ce droit fondamental de la personne humaine. Le recours à la violence comme moyen pour faire passer ses revendications peut avoir de conséquences désastreuses sur la jouissance effective de certains droits fondamentaux particulièrement les droits économiques, sociaux et culturels. De son côté, la police doit éviter le recours à l’utilisation de la force excessive ou à la brutalité pour rétablir l’ordre et la paix dans ses circonstances.
Au début de l’année 2021, on a enregistré malheureusement à Port au Prince, des attaques sur des manifestants et des journalistes. Des policiers ont été aussi l’objet d’agressions verbales et physiques avec menaces d’assassinat. Des bâtiments publics et des commissariats de police ont été vandalisés et des armes de police emportées.
Selon toute logique, la destruction des biens publics ne constitue pas une perte pour les dirigeants, qui sont d’ailleurs éphémères mais plutôt un déficit pour le trésor public déjà souffrant de crise aigüe depuis plus de trois ans en raison de troubles politiques.
Les journalistes, acteurs incontournables en matière de démocratie et du respect des droits humains, tout en gardant le recul obligatoire, en terme de prise de position, vis à vis des manifestants et des forces de l’ordre, sont tenus de rapporter, au regard des principes journalistiques, toutes violations de ces règles de base dans un camp comme dans l’autre.
L’OPC, exhorte tous les acteurs sur l’échiquier politique à respecter et à promouvoir les principes généraux relatifs à l’exercice du droit de manifester, admis dans toutes les sociétés civilisées.