La Défenseur des droits défend une meilleure traçabilité des contrôles d’identité

– Défenseur des droits (France) –

Le Défenseur des droits est une autorité administrative indépendante, chargée notamment du contrôle externe déontologique de la police et de la gendarmerie, et de la lutte contre les discriminations.

C’est à ce double titre que l’institution est compétente sur la question des contrôles d’identité discriminatoires.

Des contrôles d’identité ne peuvent être légalement opérés que dans essentiellement trois circonstances : pour la recherche ou la poursuite d’infractions ; sur réquisition du procureur ; ou pour prévenir des atteintes à l’ordre public. Ils ne doivent être ni généralisés, ni discrétionnaires. Un contrôle d’identité est considéré comme discriminatoire lorsqu’il est réalisé selon des critères tirés de caractéristiques physiques associés à une origine réelle ou supposée sans aucune justification objective préalable.

Depuis sa création, le Défenseur des droits a mené de nombreuses analyses et enquêtes qui attestent de ce que les contrôles discriminatoires sont une réalité sociologique.

En 2012, il a mené une étude comparée des pratiques d’autres pays, tels que le Royaume-Uni, l’Espagne, les Etats-Unis et le Canada, en vue d’élaborer un document d’information pédagogique explorant diverses pistes d’encadrement des contrôles d’identité.

Depuis, le Défenseur des droits n’a eu de cesse de recommander la mise en place d’un dispositif de traçabilité des contrôles d'identité, une évaluation officielle de leur efficacité en termes d’impact sur les relations entre police et citoyens et la reconnaissance d’un recours effectif en justice pour sanctionner les contrôles discriminatoires.

Le 9 novembre 2016, la première chambre civile de la Cour de cassation a acté l’existence de contrôles discriminatoires en France et reconnu, dans le même temps, l’existence d’une brèche centrale dans le dispositif français : l’absence d’obligation légale de traçabilité fait obstacle à ce qu’une personne puisse faire valoir ses droits. Comment le Défenseur des droits mais également l’IGGN et l’IGPN peuvent-ils obtenir des éléments factuels essentiels à leur enquête quand les contrôles ne sont pas enregistrés, répertoriés ? Comment la hiérarchie est-elle en mesure d’évaluer le travail de ses agents si elle ne sait combien de contrôles sont effectués chaque jour à quel endroit, à quelle heure et surtout, pour quels motifs ?

En janvier 2017, le Défenseur des droits a publié une « Enquête sur les relations police-population » qui confirme que la pratique policière des contrôles d’identité vise surtout des jeunes hommes issus des minorités visibles, accréditant l’idée de contrôles « au faciès ». Sur un échantillon représentatif de plus de 5000 personnes, « 80 % des personnes correspondant au profil de “jeune homme perçu comme noir ou arabe” déclarent avoir été contrôlées dans les cinq dernières années (contre 16 % pour le reste des enquêtés) ». Ces profils ont donc « vingt fois plus » de probabilités d’être contrôlés.

En octobre 2019, il a organisé le 5e séminaire de son réseau IPCAN intitulé, « Les relations police-population : enjeux et pratiques » en présence de représentants des forces de police, d’autorités publiques, d’organismes de contrôle externes des forces de l’ordre, de juristes, d’associations et de chercheurs ainsi que des représentants d’organisations internationales et d’institutions de l’Union européenne. Des pratiques concrètes et des expérimentations qui avaient eu des résultats intéressants ont pu y être présentées : le besoin de recueillir davantage d’informations sur la pratique des contrôles d’identité et du profilage, la nécessité de prévoir un cadre juridique permettant aux personnes contrôlées d’exercer leurs droits de façon effective et d’engager des recours en assurant la traçabilité des contrôles d’identité, et enfin l’importance de renforcer le dialogue et la concertation entre forces de sécurité et population.

La Défenseure des droits est parfaitement consciente des conditions difficiles dans lesquelles les forces de sécurité exercent leur mission, parfois au péril de leur vie. Aussi, soucieuse d’une nécessaire amélioration de la confiance entre la population et la police, elle a régulièrement rappelé l’importance de procéder à une évaluation officielle des contrôles d’identité, des pratiques, de leur efficacité en y intégrant spécifiquement une étude sur les réquisitions judiciaires.

Les problèmes soulevés dans les contrôles d’identité discriminatoires dans certains endroits doivent être clairement abordés, et des réponses doivent y être apportées sans bien évidemment renoncer aux contrôles d’identité chaque fois qu’ils sont nécessaires pour prévenir une atteinte à l’ordre public ou dans le cadre d’une réquisition judiciaire. C’est pourquoi la Défenseure des droits a indiqué que des expérimentations locales mériteraient d’être menées afin d’objectiver cette question et d’identifier la ou les solutions les plus pertinentes pour y remédier sans porter atteinte à l’efficacité de l’action de nos forces de sécurité : l’absence, dans certaines zones, de contrôle d’identité sans traçabilité. Ces expérimentations pourraient porter soit sur la délivrance d’un récépissé, soit avec enregistrement par caméra piéton, soit par le biais d’une application spécifique pour comptabiliser le nombre de contrôles, leurs lieux, et leurs résultats.

La Défenseure des droits sera très attentive aux débats organisés dans le cadre du Beauvau de la sécurité dans lequel l’institution sera amenée à intervenir.

2021-02-22T11:05:41+01:00
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