– Défenseur des droits (France) –
Dans un rapport publié ce jour, le Défenseur des droits montre que la prévalence des discriminations fondées sur l’origine qui affectent la vie de millions d’individus, met en cause leurs droits les plus fondamentaux, ainsi que la cohésion sociale.
Les données officielles de la statistique publique et les études scientifiques sont sans appel sur l’ampleur de ces discriminations et leur dimension systémique dans la société française : les personnes d’origine étrangère ou perçues comme telles sont désavantagées dans l’accès à l’emploi ou au logement et plus exposées au chômage, à la précarité, au mal logement, aux contrôles policiers, à un état de santé dégradé et aux inégalités scolaires.
Ces discriminations augmentent puisqu’en 2016, 11% des personnes déclaraient avoir vécu une discrimination liée à l’origine ou la couleur de peau au cours des 5 dernières années[1] alors qu’elles n’étaient que 6% en 2008[2]. Les discriminations liées à l’origine ou un critère apparenté représentent 1/3 des saisines du Défenseur des droits en matière de discriminations.
Or, de nombreux obstacles entravent encore le recours à la justice des victimes de discriminations en raison de l’origine puisque dans l’emploi, elles ne sont que 12% à entamer une démarche[3]. En cause : la difficulté à prouver la discrimination ou encore la faiblesse des sanctions et des indemnités à l’encontre des auteurs.
Surtout, les politiques et discours publics contre les discriminations en raison de l’origine se sont progressivement effacés au profit de paradigmes différents, tels que la promotion de la diversité, ou encore les enjeux de sécurité, de laïcité et de lutte contre la haine. Progressivement cantonnée à la politique de la ville, la lutte contre les discriminations liées à l’origine, qui touche autant l’emploi, le logement que l’éducation ou les relations avec les forces de l’ordre, ne fait pas l’objet d’une politique coordonnée et spécifique.
Le Défenseur des droits considère qu’il est urgent que ces discriminations fassent l’objet d’une politique prioritaire ambitieuse à l’instar de ce qui est fait depuis quelques années en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. En s’appuyant sur les travaux de l’institution depuis sa création, il propose plusieurs recommandations à l’attention des pouvoirs publics, et notamment :
· Rendre visibles et mieux documenter les discriminations fondées sur l’origine en développant la statistique publique, en mettant en place des campagnes nationales de testing (emploi, logement, biens et services), en obligeant les entreprises à publier des indicateurs non-financiers et en créant un observatoire des discriminations ;
· Exiger un engagement des organisations, publiques comme privées, au travers de plans d’action pluriannuels et d’audits qui prévoient l’identification des risques de discrimination ;
· Revoir les textes encadrant les contrôles d’identité pour inscrire dans la loi l’interdiction des contrôles discriminatoires et assurer la traçabilité des contrôles ;
· Faciliter la preuve de la discrimination en matière pénale en inscrivant dans la loi des modalités facilitant le recours aux présomptions de faits ;
· Garantir des sanctions judiciaires proportionnées et réellement dissuasives contre les auteurs de discriminations fondées sur l’origine en allégeant la preuve exigée en matière pénale et en permettant au juge civil d’accorder des dommages punitifs en cas de discrimination directe et de harcèlement ;
· Rendre plus effective l’action de groupe contre les discriminations en permettant notamment aux associations d’y recourir en matière d’emploi et de biens et services et en autorisant la création de groupes ad hoc.
Seule une entière mobilisation au plus haut niveau des organisations, de la société civile et des pouvoirs publics permettra de lutter avec efficacité contre les discriminations liées à l’origine. Cette mobilisation devra se conjuguer avec des politiques publiques plus globales contre les inégalités sociales et territoriales qui contribuent à ancrer ces discriminations.