– L’Ombudsman de l’Ontario (Canada) –

Dans une chronique publiée récemment par Queen’s Park Briefing le 18 janvier, Deb Hutton a soulevé des questions provocatrices sur le rôle et l’utilité des officiers indépendants de l’Assemblée législative.

En réponse à une chronique antérieure dans laquelle John Milloy, ancien ministre libéral, soutenait que le gouvernement Ford avait eu tort d’éliminer trois de ces chiens de garde, Mme Hutton, ancienne conseillère du premier ministre Mike Harris, a préconisé d’en éliminer un plus grand nombre encore.

Fidèle à mon rôle de surveillance apolitique et indépendante sur le secteur public de l’Ontario, mon intention ici n’est pas de louer ou de condamner ces partisans pour leurs opinions politiques, mais d’enterrer les idées fausses que ce débat a révélées.

Une partie importante du travail de l’Ombudsman est de faire la lumière sur les problèmes et de les régler avant qu’ils ne s’aggravent et empirent. C’est donc pourquoi il faut répondre à la suggestion perturbante et erronée de Mme Hutton, selon laquelle le travail des officiers indépendants peut être fait, et devrait être fait, par des politiciens.

Mme Hutton part du principe que les députés provinciaux et leurs comités peuvent tout aussi bien amener le gouvernement à rendre des comptes que des bureaux indépendants comme le mien, ce qui nous rendrait inutiles.

Cette interprétation erronée des rôles, des fonctions et des avantages de ces officiers constitue un fondement trompeur de la proposition selon laquelle les mécanismes de responsabilisation et de transparence auxquels les politiciens et les fonctionnaires sont assujettis seraient inutiles. Rien n’est plus faux.

Dans une décision rendue par la Cour suprême du Canada en 1984, le juge Brian Dickson a résumé avec éloquence les facteurs qui « ont contribué à l’essor de l’institution d’ombudsman ». Il a cité l’envergure et la complexité croissantes du gouvernement, et les difficultés qu’elles entraînent pour les gens qui traitent avec une vaste administration.

D’après ce que nous entendons dire régulièrement par des centaines d’Ontariens, je suis convaincu que, si on les interrogeait à ce sujet, ils choisiraient une surveillance accrue des organismes du secteur public, et non une surveillance moindre. Ils s’opposeraient certainement à l’idée que, pour rectifier les injustices causées par un mauvais service gouvernemental ou une insensibilité de l’administration, il suffit de les porter à l’attention d’un politicien.

Les mots du juge Dickson ne sont pas moins vrais aujourd’hui et ils méritent d’être longuement cités. Voici ce qu’il a écrit :

« Les contrôles traditionnels de la mise en œuvre et de l’administration des programmes et politiques du gouvernement, [à] savoir les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, ne sont pas complètement adaptés à la surveillance qu’exige une bureaucratie croissante, ni parfaitement capables de l’assurer. L’insuffisance de la réponse législative aux plaintes qui découlent des activités quotidiennes du gouvernement n’est pas sérieusement contestée. Les demandes auxquelles ont à faire face les membres des corps législatifs sont telles qu’ils sont naturellement incapables de procéder à un examen minutieux des rouages de la bureaucratie dans son ensemble. De plus, il leur manque souvent les ressources nécessaires en matière d’enquête pour bien suivre toutes les questions qu’ils choisissent d’étudier…

« L’ombudsman représente la réponse de la société à ces problèmes d’abus possibles et de contrôle. Ses attributions uniques lui permettent d’aborder un bon nombre de préoccupations auxquelles ne touchent pas les mécanismes traditionnels de contrôle bureaucratique. »

Il n’appartient ni aux députés, ni à leurs comités, établis selon les lignes des partis, d’enquêter sur des plaintes avec impartialité et de faire une rétroaction à l’administration sur la façon d’améliorer les processus. Les élus ont un rôle essentiel à jouer, mais ils n’ont ni les ressources ni les connaissances expertes nécessaires, pour traiter des grands nombres de plaintes du public ou pour examiner des problèmes systémiques qui exigent une enquête approfondie, crédible et confidentielle. Ceci est du ressort de l’Ombudsman.

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